Un article où il est question de deux ONG (“Udar”
et “Revolt”)
qui ont ont joué un rôle dans le « Printemps bosnien ».
Revolt n'existe plus. Sa page internet est d'ailleurs
désactivée. Dans un
article récent publié par le NPA français, on peut lire que
Revolt est une ONG qui a préfiguré le parti Lijevi
(La Gauche), lui-même en relation avec Die
Linke.
Le printemps bosniaque est-il un mouvement spontané ou pas ? On
pourra toujours dire que deux ONG ne font pas le printemps... Quoi
qu'il en soit la réponse appartient désormais aux historiens.
***
Le
problème bosniaque dans les Balkans
Les
désordres qui ont secoué la Bosnie ont pour motif la situation
économique dramatique du pays mais ces désordres vont aussi dans le
sens voulu par Washington
La
Bosnie-Herzégovine semble avoir emprunté la voie pour devenir un
“Etat failli”. Dans plusieurs villes de la partie la plus grande
du pays, celle qui se trouve sous l’autorité de la “Fédération
croato-bosniaque”, des milliers de citoyens sont descendus dans la
rue pour protester contre la gabegie régnante: une économie
chancelante, une corruption généralisée et un chômage qui atteint
les 45% de la population active. Au cours de ces nombreuses
manifestations, les protestataires se sont heurtés aux forces de
l’ordre.
Cet
Etat balkanique multiethnique et multiconfessionnel pose désormais
problème au beau milieu de la péninsule balkanique, une région qui
devait abriter cette Bosnie-Herzégovine “stable, viable,
multiethnique et unie”, comme le voulait l’UE quand elle posait
ses objectifs politiques pour rendre définitivement indépendante
cette république autrefois constitutive de l’ancienne Yougoslavie
fédérale et socialiste. De ces voeux pieux, rien ne subsiste
aujourd’hui. On sait très bien pourquoi la “communauté
internationale”, c’est-à-dire l’UE et les Etats-Unis, se
trouvent face à un champ de ruines en Bosnie. Le Traité de Dayton a
certes pu mettre un terme à la guerre mais n’a pas pu faire
émerger un Etat pour tous, capable de fonctionner sans heurts, en
dépit des clivages qui opposaient entre eux les Bosniaques, les Croates et les Serbes.
“L’ordre
politique fabriqué lors des accords de Dayton est intenable”,
expliquent les organisations protestataires actuelles que sont “Udar”
(le “Coup”) et “Revolt”,
animatrices des manifestations qui ont secoué le pays. L’objectif
de ces organisations est donc clair: les manifestations doivent faire
pression pour aboutir à une réforme constitutionnelle afin que
l’appareil d’Etat, trop complexe et trop lourd, fasse la place à
une forme étatique plus svelte et plus centralisée. Les Serbes de
Bosnie, dont la “Republika Srpska” jouit d’une large autonomie,
se sont opposés, jusqu’ici, et avec succès, à toute tentative de
centralisation.
Les
organisations “Udar” et “Revolt” veulent, par leurs
revendications, s’aligner sur une politique voulue en dernière
instance par l’UE et les Etats-Unis. Ces derniers sont profondément
agacés par l’édifice étatique qui structure la Bosnie
aujourd’hui parce que l’objectif américain est d’inclure le
pays dans l’OTAN. La décentralisation bosniaque empêche toute
manoeuvre en ce sens. Comme le rappelle Patrick Keller de la
“Fondation Konrad Adenauer” en Allemagne, “l’intérêt pour
une adhésion à l’OTAN n’est guère populaire en Republika
Srpska”. Voilà pourquoi, subitement, en dépit des accords de
Dayton, on plaide maintenant pour la création d’un Etat bosniaque
unifié et “fort”.
Pour
téléguider les événements de Bosnie dans le “bon sens”, les
Américains ne s’épargnent ni peine ni argent. L’USAID,
l’instance chargée d’aider au développement, déclare vouloir
“aider la Bosnie à parfaire les réformes nécessaires pour
pouvoir adhérer à l’UE et à l’OTAN”. Dans son budget de
2013, l’USAID a dégagé la somme de 45,5 millions de dollars,
notamment pour créer “une structure militaire unitaire, laquelle
répondrait aux critères nécessaires pour assurer la sécurité du
pays et pour aboutir à une adhésion à l’OTAN”. En 2008,
Washington a enregistré un bon succès en Bosnie, lorsque Sarajevo a
adhéré à une “Charte Adriatique”, initiative visant à
préparer les Etats des Balkans occidentaux à entrer dans l’OTAN.
Dans
les postes “Financements militaires à l’étranger” et
“Formation et écolage militaires à l’échelle internationale”,
5,5 millions de dollars sont prévus pour la Bosnie. Avec ces budgets,
il faudra, selon les Américains, “combler les déficits graves
dans la formation des personnels” chez “ce partenaire
potentiel de l’OTAN” et former des “unités spéciales”, dont
l’Alliance Atlantique “a un besoin réel”, c’est-à-dire des
unités capables d’éliminer des matériels de combat, des troupes
d’infanterie, des équipes d’ingénieurs militaires. Le rapport
de l’USAID se fait louangeux à l’endroit de l’armée bosniaque
parce qu’elle a fourni 55 hommes pour l’IASF en Afghanistan.
Le
deuxième objectif majeur des Américains, et aussi de l’UE, est de
promouvoir en Bosnie “une société civile”. Pour le réaliser,
on a surtout mobilisé le “National Endowment for Democracy”
(NED), le bras civil de la CIA, de même que les fondations attachées
aux grands partis américains, la NDI (“National Democratic
Institute”) et l’IRI (“International Republican Institute”).
La “Fondation Konrad Adenauer” est également très active.
En
2012 (pour 2013, on ne dispose pas encore de chiffres), la NED a
soutenu toute une série d’organisations bosniaques visant la
création de cette fameuse “société civile”. “Revolt” a
reçu 31.500 dollars, notamment pour contrôler “les travaux du
gouvernement local et cantonal de Tuzla” et pour mener une campagne
de mobilisation “de jeunes activistes pour préparer les élections
locales”. L’année précédente, “Revolt” avait reçu 30.000
dollars de la NED pour mener à bien
des activités similaires.
Les
Occidentaux veulent donc créer en Bosnie une démocratie de type
occidental et financent la formation et l’écolage d’une nouvelle
génération d’hommes et de femmes politiques qui permettront, à
terme, de réaliser plus aisément le grand but de la dite
“communauté internationale”, soit de créer une Bosnie
“multiethnique”. Dans les rapports de la “Fondation Konrad
Adenauer”, on peut lire: “Investir dans les futurs cadres
porteurs des structures démocratiques constitue l’action première
de notre travail. Prodiguer des conseils, imaginer des scénarios,
organiser des journées d’écolage et des séminaires interactifs,
bref, offrir une formation politique permanente aux forces d’avenir,
voilà les principales activités que nous menons à bien
en Bosnie-Herzégovine”.
Les
Etats-Unis ont réellement pris les choses en mains en Bosnie, au
détriment des Européens, parce que les Bosniaques sont mécontents
de la politique menée jusqu’ici par l’UE. Déjà en 2009, le
magazine “Foreign Policy” écrivait: “L’UE n’a pas de
politique réellement porteuse en Bosnie, si bien que Washington est contraint de jouer de son influence pour faire
avancer les choses pour qu’à terme le pays puisse adhérer à
l’UE”.
Bernhard
TOMASCHITZ.
(article
paru dans “zur Zeit”, Vienn, n°8/2014, http://www.zurzeit.at
).
Source :
http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2014/03/05/le-probleme-bosniaque-dans-les-balkans.html
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